du levain à Bruxelles
Mie miraculeuse
La rencontre avec le chef Damien Bouchery, son compagnon, doublée d’un séjour à Copenhague, lui ouvre les yeux sur la magie du levain, cette pâte de farine fermentée qui est la marque de la boulangerie artisanale. L’intéressée glane alors tout ce qu’elle peut sur le sujet, écumant internet à la recherche de ceux qui font autorité en la matière. Forte de ses nouvelles connaissances, Romina décide de partir en croisade contre ce qu’elle appelle le « pain Tricatel ». Attentif au savoir qu’elle acquiert, Damien Bouchery lui offre la responsabilité de la fabrication des miches dans son restaurant éponyme.
Diplômée en architecture d’intérieur, Romina Büx, 34 ans, a ressenti le besoin d’un retour au local.
La pâte fermentée est la marque de fabrique du vrai boulanger artisanal
On est en 2017, la néoboulangère crée alors sa propre structure qui répond au nom de Mama. Deux ans plus tard, le cuisinier bruxellois reprend une adresse de quartier à Uccle. L’occasion est belle pour que la trentenaire y malaxe son talent de pétrissage – c’est d’ailleurs le bar du lieu qui lui sert de plan de travail. Deux fois par semaine – une jolie façon de « déminer » ce que les horaires de la boulangerie ont de mortifère –, Romina Büx fait le pain. Luxe ultime, elle s’offre la satisfaction d’une fermentation longue, à la faveur d’un procédé de fabrication qui s’étale sur deux jours. Trois mouvements président à cette thaumaturgie : fermentation à partir de son propre levain qu’elle confie « nourrir comme un bébé » ; pétrissage à la main ou à l’aide de batteurs lents ; et enfin, cuisson sur pierre dans deux petits fours Rofco.
Sa production ? Elle est plutôt modeste, 200 pains par semaine, un seuil qui garantit à la fois l’autonomie, la préservation du plaisir et l’artisanat. L’initiative fait un malheur dans le quartier où il n’a pas fallu longtemps aux amateurs pour comprendre qu’un SMS envoyé 48 heures à l’avance leur assurait une miche digeste, parfumée et cuite du jour…
Mama utilise uniquement des farines de meuniers wallons, qui pratiquent encore la mouture sur pierre
Romina d’insister sur la qualité de la matière première qu’elle travaille. Elle doit celle-ci à Graines de Curieux, un label équitable imaginé par un trio d’agronomes pour redorer le blason de la filière agricole en Wallonie. « Leurs farines sont issues de blés belges dits “de population”, c’est-à-dire des champs de céréales dans lesquels une vingtaine de variétés sont mélangées. C’est très troublant de découvrir ces blés dont la taille dépasse celle d’un adulte », précise Romina. Pour parfaire le tout, les meuniers du sud du pays se chargent de moudre les céréales sur pierre, ce qui a notamment pour avantage de préserver les qualités nutritionnelles de la farine. Au bout de ce processus qui cumule les savoir-faire surgit, tel un miracle, un pain caractérisé par une vraie signature gustative : sa mie n’est pas marquée par cette acidité que l’on associe au levain. Prenez et mangez-en tous.