Vodka complètement Dada
Avec des patates locales
Très vite, l’idée d’implanter une distillerie s’est imposée. Mais pas une distillerie figée à l’ancienne qui soit accrochée à un seul spiritueux. En faisant appel à Cédric Heymans, Mathieu Van den Briel et Jasper De Coene, trois fidèles lieutenants ayant œuvré pour son groupe brassicole, Moortgat a souscrit à une vision craft, réactive et créative de l’art de la distillation.
Pour qui la découvre, la distillerie Dada Chapel, c’est d’abord un choc esthétique. Celui de l’hôtel Vanden Meersche, bâtiment historique classé du centre de Gand. Cette merveille a été acquise en 2008 par Michel Moortgat, PDG de Duvel.
« Au départ, nous ne voulions pas faire de vodka »
Preuve de cela, la magnifique installation de la marque allemande Carl – deux alambics à colonne et deux autres dits “pot still” – se veut flexible, propice aux batches expérimentaux et aux changements de cap soudains. Pas étonnant dans ces conditions que le slogan adopté soit « In Odd We Trust », profession de foi assumée en faveur de l’étrange, de l’inattendu.
« Au départ, nous ne voulions pas faire de vodka. Nous trouvions que c’était un alcool trop neutre. Cela dit, l’occasion fait le larron. Ayant constaté un surplus dans la production de pommes de terre biologiques, nous avons pensé qu’il y avait une carte à jouer », explique Mathieu Van den Briel.
« Nous voulions créer un produit proche du rhum sans importer de la canne à sucre »
La petite équipe décide alors d’acheter trois tonnes de patates à un agriculteur de Tamise.
Les premières productions sont pour le moins artisanales, dans la mesure où les intéressés ont nettoyé eux-mêmes leurs pommes de terre dans un moulin à cidre. Par la suite, ils ont réalisé une sorte de purée liquide qu’ils ont laissée fermenter, en y ajoutant entre autres de la levure de bière, forcément de la… Duvel.
Directement liée aux scènes food et cocktails gantoises, la Dada Chapel peut s’appuyer sur plusieurs barmen et chefs en vue pour faire évoluer ses créations.
Pour le moment, outre la vodka, la structure a signé un vin de malt, une distillation de grains qui patiente dans des fûts (la chapelle en contient plusieurs dizaines, qu’ils soient en chêne américain, français ou limousin, chacun faisant valoir des chauffes différentes) et pourra prétendre au nom de “whisky” après trois ans.
Il est également question d’un “Brhum”, un “rhum” belge obtenu à partir de betteraves sucrières – rappelons qu’un véritable rhum, digne de ce nom, doit être normalement obtenu par fermentation et distillation du jus de canne à sucre, voire de mélasses. « Nous voulions créer un produit proche du rhum sans importer de la canne à sucre », confie Mathieu Van den Briel.
Bien vu, Dada Chapel a imaginé un rituel de dégustation tout simple pour la vodka à la pomme de terre, il consiste à râper de la noix de muscade au-dessus d’un shot. Le tout entend volontairement rappeler l’expérience gastronomique d’une purée.