Des pionniers du vin à Anvers
C’est la nature qui décide
La Table des Huit, comme Lode et ses camarades aiment à s’appeler, s’intéressait à la viticulture depuis un moment, mais la graine n’a vraiment été plantée que pendant des vacances passées ensemble dans le Piémont en 2011. « Et si on se lançait dans la viticulture à Boechout, au moulin ? » L’idée n’avait rien de saugrenu, car la viticulture était très populaire dans ces régions de la fin du Moyen Âge au petit âge glaciaire.
Produire du vin à Anvers ? C’est tout à fait possible, comme partout en Flandre. Grâce à un terroir fascinant et à des conditions climatiques qui ne cessent de s’améliorer, un beau vin vinifié naturellement est produit sur une dizaine d’hectares autour du moulin de Boechout, près d’Anvers. Avec un groupe de sept amis, amateurs de vin passionnés, l’entrepreneur Lode Van den Brande a créé Oud Conynsbergh. En tant que directeur général, le sommelier et conseiller en vins Kris Van de Sompel met le vin sur le marché. La petite exploitation viticole est caractérisée par sa ressemblance avec la Bourgogne et le goût de l’expérimentation.
« Peut-être que notre pinot noir idéal sera produit par des pieds de vigne de 35 ans d’âge. »
« Suivant le modèle bourguignon, nous avons choisi des endroits où il fait juste un peu plus chaud », explique Kris. « Nous sommes sur les contreforts du plateau de Diest et Mons. L’analyse de quelques échantillons de sol a révélé qu’il se compose de limon léger et de limon sableux avec beaucoup de coquillages (craie). On trouve même encore des dunes fossiles à certains endroits. Cette minéralité, on la goûte véritablement dans notre vin. »
« Nous avons fait étudier dix sites, dont nous avons finalement choisi trois en fonction de deux paramètres : l’endroit où la nappe phréatique est la plus basse et la composition du sol optimale. Sous les voiles du moulin de Boechout se trouve encore un champ d’essai où on peut expérimenter à tout va », poursuit Kris.
« La nature ne se laisse pas dicter sa conduite : il faut être flexible et patient. »
Les premiers pieds de vigne ont été plantés en 2014 par une entreprise luxembourgeoise spécialisée. Aujourd’hui, on trouve dans les quatre champs huit cépages, dont six sont également typiques de la Bourgogne : le muscat, le pinot auxerrois, le chardonnay, le pinot noir, le cabernet dorsa, le pinot gris, le pinot blanc et le gamay. « Le pinot noir pousse dans notre vignoble le plus chaud et nous ne l’utilisons que pour notre cuvée supérieure mûrie sur bois. Le pinot blanc est quant à lui idéal pour obtenir plus d’acidité dans notre vin mousseux.
L’élevage du pinot auxerrois en barrique de bois d’acacia est tout à fait unique. Cela ne se fait nulle part ailleurs. L’auxerrois n’est pas un cépage noble comme le pinot noir, mais on peut le rendre très intéressant grâce à un bon élevage en barrique. Nous avons mis le même raisin de la même parcelle à la fois sur du chêne français, du chêne belge et du bois d’acacia, et on obtient trois vins complètement différents. C’est fascinant, y compris pour la gastronomie, sur laquelle nous nous concentrons », explique Kris.
Oud Conynsbergh est le premier domaine viticole de la région. Par conséquent, il n’y a ni exemple ni cadre de référence. « Nous avons donc dû nous débrouiller seuls. Ça ne nous facilite pas la tâche, mais ça rend l’aventure encore plus excitante. Les vins tranquilles, nous les laissons fermenter naturellement avec un “pied de cuve”, un petit échantillon de jus de raisin que nous faisons fermenter un jour à l’avance et que nous ajoutons ensuite à la cuve de fermentation. Un peu comme un levain de base pour le pain », explique Kris.
« Nous n’utilisons aucun engrais, herbicide ou pesticide. Nous n’utilisons pratiquement pas de sulfites et, comme pour les bières artisanales, notre vin n’est ni clarifié ni filtré. Pourquoi le ferions-nous ? Il y a tellement d’arômes fins là-dedans. Nous faisons donc tout aussi naturellement que possible. C’est aussi pour cela que nous vendangeons le plus tard possible afin de ne pas avoir à chaptaliser (ajouter du sucre au vin, NdlR). En fin de compte, nous ne faisons que suivre la nature. S’il y a bien une chose que la viticulture m’a apprise, c’est que la nature ne se laisse pas dicter sa conduite. Il faut être flexible et patient. C’est ainsi que nous apportons le terroir de Boechout dans nos bouteilles de la manière la plus authentique qui soit », explique encore Lode.
La viticulture est un processus lent. En fait, on ne connaît le résultat de ses efforts qu’au bout de dix ans. Notre vignoble ne sera jamais terminé, ou du moins pas de mon vivant », rit Lode. « Qui sait, peut-être que notre pinot noir idéal sera produit par des pieds de vigne de 35 ans d’âge ? Mais c’est une belle chose que de jeter dès maintenant les bases d’une future identité viticole. »