La durabilité, ça se goûte
Œufs frais du poulailler mobile
Quels sont les autres ? Non seulement Olivier livre des œufs savoureux, mais il collabore aussi avec l’université de Gand, développe un “foodbox” local et cultive depuis peu de l’orge brassicole.
« L’agriculture régénérative est un terme venu des États-Unis. C’est un mouvement qui encourage les gens à pratiquer l’agriculture de manière durable. En attribuant une nouvelle fonction aux animaux, on peut économiser beaucoup d’énergie, mais la façon dont on travaille le sol est cruciale également. Le poulailler mobile est né de ce raisonnement », explique Olivier.
Au creux de la campagne verdoyante du Westhoek, au bord d’un petit cours d’eau sinueux et autour d’une belle ferme familiale, on découvre quatre poulaillers mobiles. Ils portent en logo le portrait d’Olivier Mehuys, mieux connu sous le nom de Boer Olivier.
Bien qu’elles soient nourries par l’éleveur, les poules d’Olivier picorent tout leur soûl herbe fraîche, vers et insectes, grâce à ces judicieux poulaillers mobiles. Mais elles ne représentent qu’un aspect de l’agriculture régénératrice dans laquelle Olivier s’est engagé.
« En déplaçant le poulailler, on permet aux poules de toujours manger de l’herbe fraîche »
« Au lieu de tondre l’herbe avec une machine qui consomme du carburant et qui pollue, on peut faire paître les vaches dont on peut consommer le lait et, plus tard, la viande. Cependant, les vaches ne mangent que les herbes hautes. Les poules, par contre, mangent l’herbe courte. Ainsi, après la première tonte, on laisse les poules prendre le relais. Un avantage supplémentaire est qu’en picorant de tous côtés, elles répandent la bouse de vache et fertilisent ainsi le sol. »
L’idée est géniale, si ce n’est que les poules n’aiment pas trop s’éloigner de leur poulailler. Elles craignent d’être attrapées par un busard ou un renard et veulent pouvoir regagner le poulailler le plus vite possible en cas de danger.
« Mon rêve ? Que la valeur nutritionnelle des œufs soit indiquée sur l’emballage et que le prix de vente soit fixé en fonction »
« C’est ainsi qu’est née l’idée d’un poulailler mobile. Je peux déplacer les cages vers un autre pré dès que l’herbe est épuisée par les poules. Aujourd’hui, on voit d’autres poulaillers mobiles, mais en 2017, c’était inédit en Belgique », poursuit Olivier.
Les œufs ne sont qu’un produit secondaire qui illustre clairement l’approche d’Olivier. Mais il ne s’arrête pas là. « Je suis convaincu que nos œufs sont plus riches en nutriments que les autres. Le fait que les poules sont constamment nourries à l’herbe fraîche doit forcément se refléter dans la qualité des œufs. Je rêve que la valeur nutritionnelle soit mentionnée sur l’emballage et que le prix de vente soit fixé en fonction. Cela encouragerait les agriculteurs à investir dans l’agriculture régénérative. C’est bénéfique à l’humain, mais aussi à la planète. »
Il va de soi que l’agriculture durable est liée au caractère local de l’agriculture. « C’est pourquoi je travaille à présent avec l’université de Gand au projet “Pain local”. Avec deux autres fermiers, je cultive du blé panifiable en plus du blé ordinaire. Ce blé, nous le faisons moudre par un meunier du coin. Une dizaine de boulangers utilisent ensuite cette farine pour faire du pain local. Il existe plusieurs collaborations de ce type en Flandre, mais la nôtre, nous l’avons baptisée “Zuver”, ce qui signifie “pur” dans le patois du Westhoek. Une chaîne courte est transparente. Les gens veulent savoir d’où vient leur pain, mais nous allons plus loin que la boulangerie. Nous allons jusqu’à la source. »
Olivier mène un projet similaire avec l’orge brassicole. « Nous sommes très fiers de nos bières belges, mais la plus grande partie de notre orge brassicole, qui représente 2/3 de la bière, est importée. Autrefois, chaque brasserie avait sa propre malterie, mais c’est n’est plus le cas aujourd’hui. Un brasseur local utilisera notre orge pour fabriquer une bière locale. Espérons qu’une fois que les gens auront compris sa valeur, les brasseries apprécieront l’orge locale et que les agriculteurs en obtiendront un prix équitable. Ainsi ils seront enclins à investir davantage dans leur sol. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. »
Grâce à son initiative “Local Foodbox”, Olivier a pu constater par lui-même que les produits locaux ont la cote. « Pour ce projet, je me suis associé à d’autres fermiers de la région qui poursuivent la même philosophie. La liste d’attente pour les bons produits n’a cessé de s’allonger pendant la crise sanitaire. Les gens commencent à redécouvrir l’importance de la nourriture locale. Toutes ces initiatives forment un ensemble plus large. Cela demande beaucoup de travail, mais je suis encore jeune et je pense à l’avenir. Au mien, mais aussi à celui de mes enfants. »