Du levain louvaniste

Alchimie entre trois ingrédients

La recette du pain diffère également de l’approche des boulangers industriels. Alors que ceux-ci utilisent de la levure pour faire lever le pain, la fabrication du pain au levain commence avec un mélange fermenté de farine et d’eau. « Ce “starter” est déterminant pour la qualité de votre pain. Un tel starter est un peu comme un bébé, qu’il faut nourrir et auquel il faut donner le temps de se développer. » La lenteur du processus se poursuit au cours des heures suivantes. Alors que dans une boulangerie industrielle, un pain lève pendant trois ou quatre heures, un pain au levain chez Korst met plus de 24 heures à lever. « Nous laissons d’abord la pâte prendre vie. Ensuite, nous la mettons dans la chambre froide pour qu’elle puisse continuer très lentement à lever. De cette façon, on obtient dans le pain un développement gustatif lent et complexe. »

Dans un ancien hangar ferroviaire à Kessel-Lo, une entité de la ville de Louvain, Linde Decoodt produit du pain au levain à base de farine bio. À ses yeux, cette approche à forte intensité de main-d’œuvre est la seule façon valable de fabriquer du pain qui soit vraiment bon. « Lorsque j’ai commencé à faire du pain il y a 10 ans, j’ai souhaité retourner aux sources : retourner à la simplicité et faire agir l’alchimie entre trois ingrédients – la farine, le sel et l’eau. Car en fin de compte, le pain au levain, ce n’est rien de plus que cela. »

En quoi Korst diffère-t-elle d’une boulangerie classique ? « Une boulangerie classique travaille avec beaucoup de machines et peu de main-d’œuvre. Dans une boulangerie au levain, c’est l’inverse. Je n’ai ici qu’un pétrin, un four et une cellule de refroidissement. Bon nombre des étapes qui se font mécaniquement dans une boulangerie industrielle sont faites chez nous à la main. C’est pourquoi nous travaillons ici à cinq, même si nous ne sommes qu’une petite boulangerie. »

« La pâte lève lentement, ce qui permet un développement gustatif plus complexe »

Par ailleurs, le pain au levain n’est jamais tout à fait le même d’un jour à l’autre. « Nous travaillons avec des céréales belges et néerlandaises, et à ce stade déjà, ce n’est pas facile, parce que ces céréales sont moins riches en protéines. Le jour où on me livre de la farine fraîche, je sais que la vigilance est de mise parce qu’il me faudra modifier légèrement ma façon de travailler. Il s’agit de regarder, de sentir et de s’adapter. Ce ne sont pas de simples gestes que l’on fait par routine, il faut beaucoup de métier. C’est aussi ce qui fait tout l’intérêt de cette approche. Et je ne pense pas que je m’arrêterai un jour de faire du pain. »

« Faire du pain, ce n’est pas juste une succession de gestes que l’on fait par routine. Il faut beaucoup de métier »

Linde fait de longues journées. « En semaine, nous commençons à six heures, le samedi à 4h30 et le dimanche, à 5h30. Nous travaillons facilement 14 heures par jour. Heureusement, comme nous sommes plusieurs actuellement, je peux lever un peu le pied certains jours. » Compte tenu de toutes ces heures de travail, un pain coûte plus cher chez Korst qu’un pain standard chez le boulanger du coin. « Les ingrédients que nous utilisons sont aussi plus coûteux que ceux qu’on trouve au supermarché. Nous travaillons autant que possible avec des céréales et de la farine locale moulue sur pierre. Ainsi, nous achetons la farine d’un moulin à vent à Aalter et d’une coopérative agricole près de Louvain. Ce cercle entre le paysan, le moulin et le pain, avec un salaire équitable pour tous, est une partie importante de notre histoire. »

Et que répond-elle aux gens qui trouvent le pain de Korst trop cher ? « Je retourne alors la question et leur demande comment il se fait que le pain industriel est si bon marché. Mais bon nombre de gens se montrent compréhensifs. Ils voient bien que nous travaillons dur et que notre pain est fait à la main. » 

Le pain au levain deviendra-t-il un jour notre pain standard ? Pour Linde, c’est une utopie. « Cette activité est trop intensive en main-d’œuvre et manque de grandeur d’échelle. Il n’existe pas non plus de formation spécifique. Les boulangers au levain doivent trouver leur voie eux-mêmes. Il y a dix ans, lorsque j’ai voulu me lancer dans la boulangerie après mes études d’histoire, j’ai longtemps dû chercher de bons professeurs, bien que j’aie aussi suivi une formation classique en boulangerie. Le pain au levain est et reste une spécialité particulière. »

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