Fromages de brebis au lait cru
Le goût est dans la bergerie
Ces “fromagers fermiers” ont des vies de fous, entre la ferme qu’ils exploitent et la fromagerie qu’ils font tourner. Peter (1974) et Barbara (1973) De Cock – Vissenaekens appartiennent à cette aristocratie. En plus d’œuvrer comme des dingues, ils trouvent le temps de s’engager de mille et une façons pour défendre les circuits courts, l’accès à la terre, le savoir-faire artisanal et, bien sûr, le lait cru – Peter a entre autres mis sur pied un “concours du meilleur fromage fermier au lait cru de Wallonie” qui contribue à améliorer la qualité de la production régionale.
Au sommet de la pyramide du fromage artisanal, on trouve des chevaliers des temps modernes qui sont au four et au moulin.
« J’ai découvert qu’il y avait un gros manque de fromage à base de lait de brebis en Belgique. Il n’y avait ni production ni élevage. »
Après de nombreuses vacances passées dans les alpages suisses durant sa jeunesse, Peter De Cock rêve de devenir fermier. Poussé par cet idéal de vie au grand air, l’intéressé rejoint l’École de Fromagerie et d’Industrie laitière (EFILM) à Moudon, une institution suisse de renommée internationale.
Le jour qui suit l’obtention de son diplôme, Peter trouve un travail à Nods dans le Jura bernois. « J’ai appris à fabriquer du gruyère et de la tomme, aussi du yaourt. On vendait 400 kilos de yaourt rien qu’aux 200 habitants de la commune… L’essence même du circuit court ! »
Après avoir terminé son contrat, il revient en Belgique et travaille comme vendeur dans une crèmerie à Louvain. « C’était un poste d’observation intéressant, j’ai découvert qu’il y avait un gros manque de fromage à base de lait de brebis en Belgique. Il n’y avait ni production ni élevage ».
« Je possède 300 brebis que je mets un point d’honneur à nourrir sans ensilage. »
Ni une, ni deux, il se lance. « En 1998, j’ai démarré avec huit brebis de la race Mouton laitier belge, une race tombée en désuétude bien qu’elle soit réputée pour son lait crémeux et doux (en 1906, on comptait 280 000 brebis et à ce jour, il n’en reste que 1 200). Elles broutaient l’herbe sur la plaine du festival de Werchter dont je connaissais les propriétaires.
J’avais commencé à fabriquer du fromage chez mes parents où j’avais installé un petit local agréé. Je vendais mes produits en faisant du porte-à-porte. Hélas, on m’a refusé le permis d’exploitation. En 1999, le Boerenbond, qui avait à l’époque le monopole sur les décisions agricoles, a décrété que je ne pouvais pas réaliser une exploitation ovine avec cette race… Je ne pouvais donc tout simplement pas exercer mon métier en Flandre. »
Les choses n’en restent pas là. « Un an plus tard, j’ai trouvé une annonce dans le Sillon belge signalant qu’il y avait une ferme en piteux état à vendre du côté d’Acremont. J’ai démarré en juin 1999 avec 25 brebis laitières, inscrites au registre généalogique, que je trayais à la main. Par la suite, j’ai acheté une petite trayeuse et avec l’aide de mes amis j’ai mis sur pied une ferme digne de ce nom. Les huit premières années ont été très difficiles. »
Et aujourd’hui ? « Je possède 300 brebis que je mets un point d’honneur à nourrir sans ensilage. Toute notre production est vendue en direct, la laine, la viande et les produits laitiers. Mon travail se divise en trois, 1/3 d’élevage, 1/3 de transformation et 1/3 de commercialisation, cette dernière partie est très importante parce que pour moi, c’est d’être apprécié par le consommateur qui est ma plus belle récompense. »
En plus de produire de nombreux yaourts, des glaces, un “brie” maison, une pâte molle marinée dans l’Orval, un fromage à raclette belge et “L’œillet du Château”, une pâte pressée non cuite affinée dans les caves du Château de Bouillon, la Bergerie signe un fromage divin souvent récompensé dans des concours nationaux et internationaux, le “Bleu de Scailton” qui mature à 25 mètres sous terre dans les ardoisières de Bertrix.