Des huiles à déguster
Quand fruits secs riment avec saveur
Migino
Huiles de noix, graines et pâtes
Magdalena Vermeeschl. 19
2540 Hove
Un peu d’histoire, alors, pour commencer : « Mon père possédait à Maarkedal un grand bois avec de nombreux hêtres, qui donnaient beaucoup de faines. En tant que docteur en chimie, il était curieux de savoir s’il pouvait en tirer de l’huile. Il savait que les faines ont une forte teneur en huile et qu’elles étaient donc une source importante de nourriture pour les gens en temps de guerre.
Il n’est pas impensable que vous dîniez à l’hôtel Ritz de Londres et que l’on vous serve un plat agrémenté d’huile de noix pressée à Hove, près d’Anvers. « Probablement par le biais d’un chef qui a fait un stage en Belgique et l’a découverte dans un restaurant ici », précise Peter De Rycke, qui a transformé le hobby de son père en une entreprise florissante.
Lors de la torréfaction, il s’agit de trouver le moment précis où les arômes sont libérés
Il s’est documenté, a rassemblé du matériel, et après quelques expérimentations, il a obtenu sa première huile. Mais en Belgique, il est interdit de commercialiser des produits à base de faines », précise Peter. « Parce qu’elles contiennent une substance qui peut vous donner la nausée si vous en mangez de très grandes quantités. En période de crise, les gens en ramassaient beaucoup parce qu’ils n’avaient pas grand-chose d’autre, et il arrivait alors en effet qu’ils tombent malades. Nous savons maintenant que cette huile est parfaitement inoffensive, mais cette loi n’a jamais été abolie. Nous en produisons un peu chaque année, juste pour le plaisir, mais les faines ne constituent pas une ressource économique viable. Leur transformation est tellement intensive en main-d’œuvre qu’il faudrait demander 500 euros pour un litre d’huile. »
Nous devons nettoyer les noix très soigneusement, en éliminant les impuretés à chaque étape du processus
Entre-temps, la graine avait été plantée, et la famille a commencé à expérimenter, dans sa cuisine, avec des noix et des noisettes. « Les amis qui venaient dîner appréciaient notre huile, mais nous voulions être sûrs de notre coup », poursuit Peter. En 2010, les De Rycke prennent contact avec Wouter Keersmaekers, du restaurant De Schone van Boskoop, un chef réputé dans la région. « Wouter a goûté notre huile, l’a trouvée sublime et nous a conseillé de contacter Kobe Desramaults (aux fourneaux d’In de Wulf à l’époque), qui est devenu notre deuxième client. Une semaine plus tard, nous avons reçu un appel du Hof van Cleve. Quand nous avions une dizaine de restaurants, papa a décidé d’en faire une entreprise. »
Ils ont déménagé l’atelier de la cuisine à l’ancienne salle de jeux des garçons, mais la production est restée très modeste, et sans recours à des machines de haute technologie. « Nous essayons de fabriquer une huile très savoureuse », explique Peter. « Et à cet égard, le temps est un facteur important. Les matières premières sont cruciales. Il faut bien les sélectionner selon leur qualité, puis les nettoyer très méticuleusement, en éliminant les impuretés à chaque étape du processus. Nos noisettes, par exemple, sont entièrement émondées avant d’être coupées en morceaux, et non hachées. Ensuite, elles sont légèrement torréfiées, on ne les laisse pas cuire, il s’agit de trouver le moment précis où les arômes sont libérés. » C’est ce qu’on peut sentir lorsqu’on passe devant la maison au bon moment : une odeur d’amandes, de noix ou de noisettes que l’on fait chauffer, et qui rappelle le massepain. « Nous utilisons des appareils simples », confirme Peter, « car si vous hachez les noix avec une de ces grosses machines à la RoboCop, vous perdez toutes les saveurs subtiles. »
« Nous préférons fabriquer de l’huile avec des noix locales, mais nous utilisons aussi des noix exotiques. La noix de pécan est l’une de mes préférées, la pistache aussi est très spéciale. Et lorsque la récolte de noisettes a échoué l’an dernier, nous avons dû en acheter en Italie. » Quand nous sommes allés trouver Peter De Rycke, la saison des noisettes battait justement son plein. « Nous possédons deux parcelles dans le Limbourg néerlandais et, il y a quelques années, nous avons commencé à planter à Maarkedal. Nous y travaillons avec l’agriculteur Johan Erregat qui, avant, élevait des porcs. Nous prévoyons d’entamer bientôt les premières opérations de traitement, de décorticage et de purification dans les anciennes étables. Mais bien sûr, il faut attendre cinq ou six ans avant d’avoir des noix. Nous collectons nos noix auprès de gens qui ont de grands et vieux arbres dans leur jardin. S’ils ramassent des noix pour nous, ils reçoivent de l’huile en retour. »
Les huiles Migino ne conviennent pas à la cuisson. « En général, on peut dire qu’à partir de 70-75 °C, les arômes commencent à s’évaporer et on obtient une huile très banale, très ordinaire », explique Peter. « Chaque huile a également un point de fumée, et une fois ce point atteint, son goût est gâché. Nos huiles sont pleines d’arômes et de saveurs, ce serait dommage de les chauffer. » L’huile n’a pas non plus une durée de vie illimitée. C’est pourquoi, dit-il, il vaut mieux l’acheter en petites quantités. Le site web indique que vous payez 9 euros pour 100 ml d’huile de noisette ou de noix, 25 euros pour 175 g de pâte de pistache. « Ce sont des matières premières coûteuses et toutes les noix et graines n’ont pas la même teneur en huile. C’est pourquoi il est important que nous puissions aussi commercialiser les produits qui restent après le pressage de l’huile, la pâte et la farine, afin de maintenir nos prix à un niveau raisonnable. »