Fouiller pour trouver l’or blanc

Un délice flamand rare

Entreprise

Paul Temmerman

Produit

Jets de houblon

Adresse

Meersveld 1
9255 Opdorp (Buggenhout)

Paul Temmerman: « Il faut manger un légume quand la nature l’a prévu. »

Au total, la culture du houblon en Belgique couvre 170 hectares. « Mais la grande majorité est destinée à la culture de cônes de houblon pour le brassage de la bière », explique Temmerman. « La culture des jets de houblon ne se fait plus que sur 20 hectares. » De plus, la plupart des producteurs de jets de houblon ont un nombre respectable d’années au compteur, comme Temmerman lui-même. Lui est âgé de 75 ans. À Erembodegem, son frère aîné Alfons fait également partie de ces rares cultivateurs.

On les paie plus de 100 euros le kilo, mais il suffit de voir le dur labeur que représente la récolte des jets de houblon pour comprendre pourquoi ils sont si chers. Paul Temmerman parcourt à genoux la terre lourde de ses champs à Buggenhout, à l’intersection des provinces de Flandre-Orientale, d’Anvers et du Brabant flamand. Avec ses quatre hectares de champs, Paul est l’un des tout derniers producteurs de jets de houblon de notre pays.

« Les jets de houblon sont un produit horticole typiquement belge, tout comme l’asperge et le chicon »

Armé d’une fourche courbée, Paul vient de remuer la butte de terre dans laquelle poussent les racines de houblon. Avec une lame de scie d’une longueur impressionnante, l’agriculteur a ensuite gratté le sol jusqu’à faire apparaître les jets blanc pâle qui se sont développés sur les racines. À présent, il tient un couteau à pommes de terre. D’une main, il prélève les longs jets de la racine, de l’autre il coupe la partie la plus tendre à deux yeux. Le seau en plastique à ses côtés ne se remplit que lentement. Avant d’avoir rassemblé un kilo de jets de houblon, Temmerman aura rampé sur 50 mètres sur la butte de terre, un périple ardu qui, dans le froid de février, lui prendra environ quatre heures. « À la mi-mars, lorsqu’il fait plus chaud et que les jets sont plus grands et plus rapprochés, la récolte au mètre carré est plus importante.

« Chaque kilo représente un travail intense »

Afin de pouvoir récolter les cônes de houblon à la fin de l’été, les cultivateurs font grimper les plants de houblon sur des fils sur plusieurs mètres de hauteur. Pas les producteurs de jets de houblon comme Temmerman. Eux se concentrent uniquement sur les jets qui, chaque printemps, se développent sur le rhizome de la plante de houblon.

La récolte tout entière ne dure que quelques semaines. En recouvrant le sol de bâches en plastique, Temmerman veille à ce que les racines du houblon se réchauffent un peu plus vite, ce qui lui permet d’avancer quelque peu la saison. « Certains producteurs cultivent les plants de houblon dans des serres. En chauffant celles-ci, ils peuvent vendre des pousses précoces dès la fin décembre, mais je trouve que c’est trop forcé. Il faut manger un légume quand la nature l’a prévu. On ne mange pas non plus d’asperges en février… »

Paul Temmerman se sent assez proche des producteurs d’asperges. « À mes yeux, les jets de houblon sont, tout comme l’asperge et le chicon, un produit horticole typiquement belge. » Ils sont un exemple de la façon que les maraîchers ont découverte pour conserver la blancheur de ces légumes, en les plantant dans des buttes de terre. « Il y a beaucoup de pays où l’on cultive des asperges et du houblon, mais nous sommes les seuls à avoir cette tradition de récolter ces légumes sous forme de pousses blanches. »

Pour pouvoir récolter des pousses durant quelques semaines, le houblonnier doit travailler dans le champ pendant presque une année entière. Après la récolte, en avril, il coupe tous les jets jusqu’à la racine à l’aide d’une machine spéciale pour éviter que la plante soit affectée par le mildiou du houblon, un champignon typique. Ensuite, le moment est venu de placer des tuteurs pour permettre aux plantes de grimper. Pendant la période de croissance, Temmerman veillera à ce que le houblon ne soit pas infesté par des araignées, des pucerons ou d’autres nuisibles. À la fin de l’été, il rabattra la végétation aérienne. Ensuite, le moment sera de nouveau venu de préparer les couches pour l’hiver. « C’est un travail ardu. Mais j’ai le sentiment que mon travail est apprécié, notamment par les chefs avec lesquels je travaille. Eux comprennent la nature particulière de cette culture. »

Les chefs Wouter Keersmaekers (restaurant De Schone van Boskoop), Tom Fluit (Vin d’Ou) et Patrick Verheire (Minerva) sont depuis longtemps des clients fidèles de Paul Temmerman.
Sous le nom De Hopgenoten, les trois chefs ont lancé un service de plats à emporter à base de jets de houblon. Quelque 25 chefs ont rejoint l’initiative. Ils veulent servir des classiques, comme des jets de houblon sauce mousseline avec un œuf poché, ou des jets aux crevettes grises et à sole.

Wouter Keersmaekers accueille chaque année des clients qui viennent spécialement chez lui pour déguster des jets de houblon. Pour le chef, c’est l’un des rares produits uniques de la cuisine belge. « En Belgique, il est de tradition de manger des légumes blanchis, c’est-à-dire restés blancs par manque de soleil, comme les chicons et les asperges », explique Wouter.

Selon le chef, on trouve déjà des préparations à base de jets de houblon dans les livres de cuisine de Philippe Cauderlier, un auteur gastronomique belge du 19e siècle. Une préparation flamande – le “Consommé à la Rubens aux jets de houblon blanchis” – figure même dans Le Guide culinaire, la bible de la cuisine publiée par le légendaire chef français Escoffier en 1903.

Les jets de houblon sont très délicats. S’ils sont frais du champ, ils doivent être traités le jour même. Les chefs les pochent brièvement dans un blanc, une préparation à l’ancienne dans laquelle un mélange d’eau, de farine et de jus de citron forme un bain qui préserve la délicate couleur blanche des jets. Une fois pochés, les jets se conservent mieux et sont prêts pour la vraie cuisson.

Envie de combiner une délicieuse recette avec des jets de houblon ?