Des poissons affinés
Au goût savoureux
Urban Fish Farm
Poisson maturé et charcuteries de la mer
95,Chaussée de Tervuren
1160 Bruxelles
« Le pays du soleil levant a compris depuis longtemps l’importance du phénomène de maturation – en Belgique, quelques chefs avant-gardistes comme Willem Hiele ou Viki Geunes ont adopté ce savoir-faire », explique Erik.
Quand nous entrons dans une poissonnerie, notre réflexe c’est d’obtenir le produit le plus frais possible. « Il est grand temps de nous interroger sur cet atavisme qui n’a plus lieu d’être », estime Erik Portier (° 1971). « Le vin, le fromage, la viande… tout ce qui est bon est affiné. Pourquoi le poisson ferait-il exception ? »
« En maturant, la chair du poisson se fait huileuse et son goût s’intensifie. »
En ouvrant Urban Fish Farm & Market en compagnie de son épouse, l’homme renouvelle nos certitudes alimentaires sous l’influence de la culture nipponne du poisson et des enjeux écologiques actuels. Il explique ce changement de paradigme directement en lien avec l’ikejime, du nom de cette pratique d’abattage consistant à neutraliser le système nerveux des poissons et donc à réduire le stress des animaux.
Avec un tranchage minute et sur mesure, ainsi qu’une approche ultra-rigoureuse du métier, Portier s’est attiré les bonnes grâces de la pointilleuse clientèle japonaise. Cette popularité ne tient pas qu’à la précision des découpes du néo-poissonnier habile à manier sa gamme de couteaux Yoshihiro et Kikuichi. C’est le confinement qui a poussé cet artisan autodidacte, ayant lancé Google Belgique en 2007, à se reconvertir et concrétiser sa passion pour la mer, lui dont la jeunesse ostendaise l’a fait rêver de devenir pêcheur.
« Tout peut être travaillé dans un poisson, sauf les branchies. »
Maturer, donc, mais pour quoi faire ? « Ce processus induit une évaporation de plus ou moins 15 % d’eau, ce qui transforme les acides aminés et les protéines… du coup, la chair du poisson se fait huileuse et le goût s’intensifie », détaille celui qui possède trois cellules de maturation, brevetées par Alessandro Cuomo, le nutritionniste italien qui a mis au point des appareils et des techniques permettant de régler température, ventilation, humidité et renouvellement de l’air de façon ultra-pointue.
Les appareils en question disposent même de sondes pour mesurer le pH des saumons et autres bars, ce qui assure une maîtrise totale sur l’évolution de la chair. Il a fallu se constituer une science du procédé : « Après de nombreux essais, nous savons aujourd’hui que l’affinage idéal d’une sériole est de 18 jours, tandis que pour une dorade il faut compter 8 jours », ajoute Erik.
Son perfectionnisme ne s’arrête pas là, il réside aussi dans le refus d’utiliser de la glace pour présenter le poisson – une hérésie qui lui porte préjudice –, mais également dans le souci de glaner des ressources locales à la criée de Nieuport (barbue, plie, sol limande…), dans la promotion des poissons méconnus (chinchard, brosme…), dans l’équilibre trouvé entre élevage (40 % de la gamme, essentiellement destiné au sashimi) et sauvage (60 %), voire dans un souci des saisonnalités à la faveur d’un approvisionnement opéré selon les recommandations d’Ethic Ocean, un organisme œuvrant à la préservation des ressources océaniques.
Ce soin culmine aussi dans l’approche “nose to tail”, le fait d’utiliser les poissons dans leur entièreté, par le biais de l’élaboration de nombreuses charcuteries de la mer, l’autre spécialité d’Urban Fish Farm. « Avant, on se contentait des mousses, rillettes et autres terrines, nous poussons la démarche plus loin, sous l’influence entre autres du chef australien Josh Niland, en proposant jambon de thon et d’espadon, boudin de Saint-Jacques, pastrami de sériole, lard de calamar… tout peut être travaillé, sauf les branchies », confie Erik Portier.