Un château brabançon aux raisins européens
Un projet viticole audacieux
« En fait, notre aventure viticole a débuté comme un projet secondaire », explique Bert Vandeurzen. En 2013, la famille d’Urbain Vandeurzen, entrepreneur technologique bien connu, a acheté le Wit Kasteel à Linden, un édifice néoclassique de 1870, bien que les origines du domaine remontent au 17e siècle.
Peu de gens doutent encore qu’on trouve de bons vins de fabrication belge. Mais à Linden, près de Louvain, la famille Vandeurzen a mis la barre très haut. Sur un domaine de 11 hectares, elle a lancé un projet qui produit non seulement du chardonnay et du pinot noir de haute qualité, mais qui livre aussi d’excellents résultats avec des cépages qu’elle est la seule à cultiver en Belgique, tels que le tempranillo et l’albarino : pas mal pour un domaine qui n’a vu le jour qu’en 2014 !
« Notre aventure viticole a commencé comme un projet secondaire après l’acquisition du château »
« Comme souvent, nous avions du mal à nous accorder sur le prix avec le vendeur : la différence entre le prix qu’il en demandait et celui que nous étions disposés à en donner restait importante. En incluant les terrains agricoles situés en face du château, nous avons fini par nous mettre d’accord. » Et c’est ainsi que la famille s’est retrouvée tout à coup à gérer 11 hectares de champs situés idéalement sur une pente entre le centre du village et la lisière de la forêt. « Ce bel emplacement a réveillé un vieux rêve chez mon père », poursuit Bert Vandeurzen. « Il nourrissait le projet de créer un jour un vignoble, bien qu’il le vît plutôt en Espagne ou en Italie. » Mais une étude de sol a révélé que les pentes autour du château feraient elles aussi un très beau terroir. « La terre contient de la limonite, de l’argile et du limon. Nous savions aussi qu’autrefois, on y produisait du vin. Nous nous sommes donc lancés à fond. »
« Notre histoire est loin d’être terminée. Nous avons encore la place et l’ambition de produire des vins encore meilleurs »
La famille a beaucoup investi dans son nouveau domaine viticole : elle a ainsi enrichi le sol en calcaire et fait construire un impressionnant chai en briques par le célèbre architecte John Eyers.
La famille a ensuite attiré le viticulteur Daniël Medarts, un vétéran du secteur qui connaît également du succès avec son propre domaine Kitsberg, et réputé pour son approche disciplinée du vignoble. Ainsi, il n’hésite pas à supprimer des grappes de raisin pour augmenter la qualité des grappes restantes. « On y perd en rendement, mais on y gagne en intensité », constate Bert Vandeurzen. « Cela correspond parfaitement à notre vision : la quantité nous importe relativement peu, c’est surtout la qualité qui nous intéresse. »
Le fait qu’ils soient les seuls en Belgique à avoir planté du tempranillo et de l’albarino s’explique surtout par un choix personnel. « Ce sont deux des cépages préférés de mon père. Et grâce à l’étude de sol et de climat, nous savions aussi que les conditions étaient propices à la production de vins avec ces raisins, comme dans le nord de l’Espagne, où le climat est relativement frais. » L’albarino, avec ses notes de pomme verte et de fruits tropicaux, a remporté la médaille d’or au concours du meilleur vin belge en 2019. Le tempranillo – fruits noirs, épices et notes légèrement torréfiées – a décroché l’or au “Wijnkeuring van de Lage Landen” en 2020. Le grüner veltliner et le chardonnay du domaine ont également été primés.
Des ceps de barbera viennent d’être plantés sur une parcelle située derrière le chai : « Nous sommes curieux de voir ce que cela va donner. »
Pour autant, l’histoire est loin d’être terminée, précise le fils Vandeurzen. « Nous n’avons planté que 6,5 hectares, nous avons donc encore beaucoup de place. De plus, nous sommes encore en plein apprentissage. Nous avons acquis de l’expérience dans la maturation en fûts de chêne. Nous utilisons aussi bien du chêne américain que français : nous comprenons de mieux en mieux quelle influence l’un et l’autre ont sur le vin. » Le domaine commercialise ainsi trois chardonnays différents : un vin entièrement élevé en cuves inox, un autre élevé sur chêne américain et un troisième sur chêne français. « Nous pensons qu’à terme, cette expérience nous permettra d’obtenir des vins capables de rivaliser avec les meilleurs bourgognes. »