Un lard de dingue

Inspiré par l’Alsace

Entreprise

Boucherie Janvier

Produit

Salaisons, charcuteries

Adresse
Eddy Buchet est également un spécialiste de la transformation du gibier. Les amateurs le savent, qui viennent glaner ses terrines, ses poitrines et autres salaisons au goût sauvage.

Tout simple, le décor fait mouche qui juxtapose dans un périmètre étroit tête de sanglier, colliers de piment d’Espelette et, forcément, photos de La Traversée de Paris, célèbre film de Claude Autant-Lara dans lequel il est question de découpe de cochon et de marché noir commandité par Jambier, un épicier peu réglo.

Cerné par la forêt, le petit village d’Oignies-en-Thiérache respire le calme en ce vendredi après-midi hivernal. Des fumées blanches stagnent au-dessus des cheminées. Une seule adresse semble faire converger les pas des passants, celle de Janvier, la petite boucherie-charcuterie d’Eddy Buchet (°1970). Il faut dire qu’avec son accueil chaleureux à coups de verres de vin mousseux et ses effluves fumés, le lieu a tout du rempart contre la froide adversité.

« Je suis assez désolé de voir les bouchers se transformer en traiteurs »

« Avant que je n’ouvre la boucherie en 1996, j’avais installé un petit atelier ici, explique Eddy Buchet, il s’agit d’une ancienne maison du peuple rachetée par mon père. C’était à mes débuts, pour me faire la main ; il y avait un petit côté clandestin. »

Les Buchet sont bouchers-charcutiers de père en fils depuis 1936. Ne cherchez pas ici un plat préparé ou une viande sous vide comme ils pullulent partout, il est ici question de respect sacro-saint de la tradition. « Je suis assez désolé de voir les bouchers se transformer en traiteurs, ce n’est pas leur métier. Ce sont les mêmes qui proposent du saucisson de jambon industriel », se désole l’intéressé.

« Je suis revenu d’Alsace avec des méthodes de fumage conférant des arômes subtils »

Eddy Buchet a quant à lui suivi un autre parcours. Élève doué, il se dirige à 19 ans vers la boucherie non pas par dépit, ni par appât du gain… mais par passion. Soucieux de se perfectionner, il séjourne 6 mois en Alsace pour apprendre le métier auprès de sommités telles que feu Jean-Louis Bruxer. « Dans mes valises, je suis revenu avec des méthodes de fumage conférant des arômes subtils aux chairs animales », explique Buchet. Logique donc que le quinquagénaire qu’il est devenu possède son propre fumoir à l’arrière du magasin, en extérieur, continuellement alimenté en sciure de chêne et de hêtre.

Star parmi sa gamme fumée, son célèbre lard légèrement boucané s’est taillé une sérieuse réputation qui repose sur un salage à sec – la pièce de viande est frottée au sel et au laurier – et un processus de fabrication durant de 3 à 4 semaines. Tout aussi mythique est son jambon, lui aussi frictionné, mais avec du poivre noir, de la coriandre, du sel et du laurier, adoubé par des bouchers aussi réputés que Filip Rondou à Louvain ou Hendrik Dierendonck qui le proposent dans leurs boutiques respectives. La totale qualité de son jambon fumé s’explique par le fait qu’Eddy sélectionne avec soin les éleveurs avec qui il travaille, notamment les porcs bio de Pierre Pirson et sa fille Wendy à la Ferme des Crutins de Sugny (Vresse-sur-Semois).

Toujours dans le même registre, il ne faut pas passer à côté de ses petites saucisses de bœuf au péquet, elles sont l’équivalent des célèbres “fagots de vigneron” alsaciens affinés au marc de gewurztraminer. Chasseur lui-même, Eddy est également un spécialiste de la transformation du gibier. Les amateurs le savent, qui viennent glaner ses terrines, ses poitrines et autres salaisons au goût sauvage.

Côté viande fraîche, le natif d’Oignies bouscule les préjugés. « Nous travaillons du bœuf bazadais mais je ne m’arrête pas aux races. Ce qui importe, c’est qu’une viande soit suffisamment grasse et ait pu aller au bout de son développement. Quand on respecte cela, même un blanc bleu belge – à condition qu’il ne s’agisse pas d’un taurillon de moins de 18 mois comme c’est le cas dans la grande distribution – peut être savoureux », conclut le boucher.

Envie d’une recette avec le lard d’Eddy ?