La finesse de la truite
Affinée dans l’eau pure
En 2014, Nicolas Marichal et Lionel Nailis y ont repris une pisciculture dédiée à la truite datant de 1984. Si le premier détient un master en biodiversité des organismes et écologie de l’Université de Liège, le second fait valoir quant à lui un diplôme en éthologie.
Ondenval, petit village tranquille de la commune de Waimes. Rien de particulier à signaler, si ce n’est une église néoromane, Saint-Donat, érigée par l’architecte Henry Cunibert. Mais certains jours, ce hameau paisible déploie un autre charme, plus olfactif celui-là : une douce odeur fumée qui vient chatouiller les narines du visiteur.
« Été comme hiver, les truites jouissent de l’eau d’une source de grande pureté »
Depuis 7 ans, le duo n’a eu de cesse d’améliorer le site sur lequel ils se trouvent. En 2017, les trois bassins de couleur vert bouteille présents au départ ont été rénovés et augmentés de six autres plans d’eau rectangulaires. L’atelier, lui aussi, a été complètement retapé et mis aux normes.
À Ondenval, les poissons bénéficient d’une incroyable source d’oxygène. Nicolas Marichal explique : « Été comme hiver, les truites jouissent de l’eau d’une source de grande pureté. Il s’agit d’un circuit ouvert, c’est-à-dire que l’eau est sans cesse renouvelée grâce à un débit permanent de 40 mètres cubes. Elle jaillit puis se déverse progressivement vers la vallée. Quelles que soient les conditions climatiques, elle affiche une température invariable de 10 °C. »
« Notre but, c’est d’arriver à ce que les poissons retrouvent leurs instincts »
En 2018, le tandem a ajouté une corde à son arc par le biais d’un nouveau lieu d’exploitation perdu au milieu des bois entre Baugnez et Ligneuville. « Nous y exploitons un bâtiment d’alevinage et huit bassins naturels. Nous y produisons des truites de A à Z, c’est-à-dire depuis l’œuf ; nous maîtrisons tout le processus, ce qui est très enthousiasmant. À Ondenval, notre travail consiste à affiner des truites de 15 mois, elles pèsent environ 300 grammes, et également de plus de grandes de 3 kilos dont une partie nous arrive du nord de la France », détaille Lionel Nailis.
Affiner la truite ? « L’objectif est de sortir le poisson le plus fin possible, gastronomiquement parlant », expliquent les deux compères. « Pour cela, il y a beaucoup de paramètres à respecter. Certes l’eau est un avantage mais c’est loin d’être le tout de l’affaire. Il faut veiller à respecter les densités. Si vous surchargez un bassin, les truites n’ont pas l’occasion de nager à contre-courant, ce qui est une mauvaise chose. Notre but, c’est d’arriver à ce que, même dans des conditions d’élevage, les poissons retrouvent leurs instincts. Pour cela, nous faisons en sorte de pas trop les nourrir. Nous n’avons jamais autant de plaisir que quand nous en voyons une qui gobe un insecte. Pendant les trois semaines que dure approximativement l’affinage, l’objectif est de réduire le taux de graisse. »
Les deux éleveurs ont fait le choix de la truite arc-en-ciel, une variété américaine. « Comme toute bonne Américaine, elle a tendance à prendre rapidement du poids », plaisante ce duo qui a à cœur le circuit court (85 % de leurs ventes s’effectuent dans un rayon de 25 km). « Plus sérieusement, son élevage prend la moitié du temps nécessaire à celui d’une truite cario. » C’est la version saumonée de la truite arc-en-ciel – c’est-à-dire nourrie avec du bêtacarotène, mais également des extraits végétaux et de la farine de poisson halieutique – qui sort majoritairement de l’atelier d’Ondenval.
Entre la truite qui arrive à l’exploitation et le produit fini, un long processus prend place au centre duquel se trouve la main de l’homme et de nombreuses heures de travail. « Si l’on veut faire de la qualité, c’est une activité extrêmement chronophage, il faut compter 250 heures de travail par mois et jusqu’à 10 manipulations avant de parvenir au résultat final », confie Lionel Nailis.
Quid du fumage ? « Le premier jour, les truites entières sont d’abord trempées dans la saumure, un mélange d’eau et de sel », précise Nicolas Marichal. « Ensuite, elles sont accrochées par 80 sur des chevalets qui sont insérés dans un four le temps d’un fumage à 80 °C. L’opération dure entre 2 et 3 heures. Pour réaliser celle-ci, nous utilisons une sciure à base de bois de chêne et de hêtre. Le second jour, les poissons reposent en chambre froide. Le troisième, les poissons fumés sont filetés : la tête, les arêtes et la queue sont enlevées. Seule reste la peau pour que la chair soit préservée le plus longtemps possible. Laquelle peau est laissée jusqu’au quatrième jour lors duquel les filets sont conditionnés. »
Le résultat ? Époustouflant de qualité. Pour preuve, les truites d’Ondenval ont séduit des restaurants tels que L’Air du temps de Sang-Hoon Degeimbre, Toma de Thomas Troupin, L’Air de rien de Stéphane Diffels, La Table de Demain de Kenzo Li et Guillaume Gersdorff, Hors-Champs de Stefan Jacobs ou encore Barge et Bouchéry à Bruxelles.
Trois produits sont développés : la truite fraîche entière, la version filetée, ainsi que, le produit emblématique de l’atelier, la truite fumée en filets. Depuis 2020, Nicolas Marichal et Lionel Nailis proposent également des truites saumonées de trois kilos fumées à froid, élevées, transformées entièrement au niveau local et levées en filets en collaboration avec un poissonnier de la région.
Verdict ? Une texture et un goût qui n’ont rien à envier au saumon fumé.